19 septembre 2019. Très enthousiasmé par l’affiche de la quarantième édition de Piano aux Jacobins qui invite de nombreux musiciens passionnants, j'ai choisi d'assister à trois récitals, en débutant mon parcours par celui de Nelson Goerner. Je n’avais jamais entendu les "Variations et Fugue" en mi bémol mineur d’Ignacy Paderewski jouées par le pianiste argentin : au nombre de vingt, ces pièces du compositeur polonais qui occupaient presque la totalité de la première partie de la soirée m’ont paru fort démonstratives, et même finalement rébarbatives. Les subtiles "Thème et Variations" en do dièse mineur de Gabriel Fauré débutaient la seconde partie du concert dans une élégance douce et poétique qui tranchait avec la partition précédente. Pour couronner son programme, Nelson Goerner a poursuivi l’interprétation de pièces de Frédéric Chopin : après les "Nocturne" n°1 et n°2 de l’opus 48, joués au début du récital, vint le tour de la mélodieuse "Barcarolle" en fa dièse majeur (op. 60), puis les célèbres "Andante spianato" et "Grande Polonaise brillante" restitués dans une cascade de lumières sculptées avec une sensualité toute latine et un sens du phrasé envoûtant. Je fus autant conquis que public qui a obtenu trois bis, dont les bienvenues "Arabesques de concert sur le Beau Danube bleu", d’Andrei Schultz-Evler, et un "Nocturne" de Paderewski.
Quelques jours plus tard, Nicholas Angelich entamait son concert avec les rares et contrastées "Visions fugitives" de Sergueï Prokofiev. Il a enchaîné avec les dix pièces transcrites par le compositeur du célèbre ballet "Roméo et Juliette", d’où jaillirent encore des couleurs aux splendides teintes éclatantes, mais jamais aveuglantes ou criardes. Enfin, dans les "Variations et fugue sur un thème de Haendel" de Johannes Brahms, le pianiste fit de nouveau preuve de son génie d’interprète, au toucher déconcertant de maîtrise et de poésie malgré la variété des nuances. Le programme terminé, il revint jouer la première des "Scènes d’enfants" de Robert Schumann, puis une "Mazurka" suivie de la "Valse" dite "Du petit chien" de Chopin.
Enfin, le jeune Toulousain Adam Laloum (photo) est ce soir très attendu: j’aperçois dans le public les directeurs de l’Orchestre national du Capitole, du Théâtre du Capitole et du Théâtre Garonne, aux côtés des directeurs du festival. Et même le maire de Toulouse s’est déplacé pour assister à ce récital dédié au répertoire romantique cher au pianiste. La Sonate n° 28 de Ludwig van Beethoven, la "Grande Humoresque" de Robert Schumann, la Sonate n° 22 de Franz Schubert se succèdent avec à chaque fois une sensibilité extrême, alliée à une troublante simplicité dans l’exécution. Je suis émerveillé par son sens de la musicalité qui rend évidentes les œuvres qu’il aborde : il est une source évacuant les notes de l’instrument avec un naturel irrésistible. Une fois encore, je constate qu’Adam Laloum est habité par la musique, ses interprétations sont intenses et poétiques sans être excessives ni illustratives, elles sont tout simplement justes. Je suis de nouveau touché par sa sincérité, sobre et maîtrisée autant que puissante et ténébreuse, en particulier dans Schubert, dont il joue en rappel le deuxième mouvement de la Sonate D664, puis le Deuxième "Moment musical" qui provoque une standing ovation…
A. Laloum © Harald Hoffmann