14 mars 2019. Je suis enthousiasmé par le retour à Toulouse de la troupe du Théâtre Bolchoï pour trois soirées à la Halle aux Grains, à l’invitation de la saison des Grands Interprètes et dans le cadre de la première édition du festival Les Musicales franco-russes. Le Chœur du Bolchoï a ainsi donné hier un somptueux concert, a cappella, au cours duquel j’ai découvert des chants liturgiques et des chansons populaires russes. Avant une version de concert de l’opéra "Ivan le Terrible", de Nikolaï Rimski-Korsakov, Tugan Sokhiev dirige aujourd’hui "la Dame de Pique", de Piotr Ilitch Tchaïkovski. Le directeur musical de l’opéra de Moscou et de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse fait vivre, sans baguette, ces personnages du Saint-Pétersbourg de la fin du XVIIIe siècle: Hermann, cet officier russe, joueur invétéré, voulant s'approprier le secret de la vieille comtesse (Elena Manistiva), "la Dame de pique", qui détient une formule gagnante et dont la petite-fille Lisa (Anna Nechaeva) est l’objet de son amour. Je suis sensible à la belle fragilité du ténor Oleg Dolgov dans le rôle d’Hermann, et impressionné par le chœur majestueux. J’observe le chef ossète se laissant peu à peu porter par une partition qui s’emploie à souligner les sentiments extrêmes et le désespoir du livret. Je me régale des couleurs flamboyantes exhibées par l’orchestre, au diapason du maestro habité par la musique. Je constate que Tugan Sokhiev ne se soucie plus alors d’anticiper sa direction pour être suivi par la phalange, laquelle connaît d’ailleurs cet ouvrage à la perfection. Je ne suis pas prêt d’oublier sa performance : dans une transe purement chorégraphique, il se meut en osmose totale avec ses musiciens, à tel point que je ne sais plus trop qui mène le bal. Je vibre avec le public au spectacle de cette expérience de communion musicale d’une fascinante intensité.
A. Nechaeva, T. Sokhiev & Orchestre du Bolchoï © Vincent Beaume